vendredi 19 septembre 2008

L'Amour conditionnel

Ce soir, en retournant chez moi après un cours, je suis passée par une rue où je vais rarement. J'avais la musique dans les oreilles et le paysage dans les yeux quand j'ai aperçu une petite fille qui frappait à une porte, tout en tirant sur la poignée. Les lumières de la maison étaient allumées et je me suis revue à cet âge, trop petite pour tourner la poignée, ça m'a fait sourire et j'ai continué mon chemin.

Mais quelques pas plus loin, je me suis demandé si ça faisait longtemps que la petite fille était là... parce que peut-être que la sonnette est trop haute, peut-être que les petits coups dans la porte ne sont pas assez forts pour passer par dessus... je ne sais pas moi... le bruit du lave-vaisselle, de la télévision et des autres enfants qui s'amusent... C'était comme ça chez moi. Alors la petite fille en moi aurait paniqué... et gelé aussi, bon! J'ai donc retiré les écouteurs de mes oreilles et j'ai entendu la petite fille pleurer en frappant désespérément à la porte.

Je me suis dit, en me rapprochant, que je pouvais toujours aller lui demander si elle voulait de mon aide. (J'aimerais signaler que je n’ai pas ben ben d'expérience avec les enfants.)

Moi : Salut... est-ce que je peux t'aider?
La mignonne petite fille blonde : Ben ma maman m'a mis dehors.
Moi : Ta mère t'a mise dehors? Comment ça, ta mère t'a mise dehors?
La mignonne petite fille blonde : Ben quand je suis tanante pis que j'écoute pas ou quand je la réveille quand elle dort parce que j'ai des questions, ma mère me met dehors pour réfléchir.
Moi : Elle fait ça souvent ta mère?
La mignonne petite fille blonde : Tous les soirs depuis samedi.
Moi : Pis ta mère te laisse rentrer quand?
La mignonne petite fille blonde : J'sais pas... vers 20h.
Moi sonnant à la porte et trouvant que la mignonne petite fille blonde n'est pas assez habillée : Est-ce que tu as froid?
La mignonne petite fille blonde : Non... un peu.
Moi qui se rend bien compte qu'on ne va pas venir ouvrir la porte : Veux-tu que j'attende avec toi?

Je me dis que l'on va s'asseoir sur le balcon et que je vais lui prêter mon coton ouaté. Je peux bien geler pour 45 minutes... mais je me dis que la mère va certainement venir dans quelques minutes pour voir si sa fille a réfléchi... surtout si elle ne cogne plus dans la porte...

En tous cas, je m'en dis bien des affaires... comme «J'en ai peut-être pas des enfants, mais c'est quoi cette méthode d'apprentissage?, J'vais appeler mes parents pour leur dire que je les aime... (Je l'ai fait, en passant.) et Dans quelle merde je suis en train de me mettre moi là?"

Et pendant que je me dis tout ça... La mère arrive... elle ouvre la porte...

Moi : Bonsoir... j'ai entendu votre fille pleurer et essayer d'ouvrir la porte... j'ai pensé qu'elle était peut-être trop petite pour sonner et que vous ne l'entendiez pas cogner.
La mère : Ah ben Andréanne (nom fictif) sait pourquoi elle est dehors, pourquoi elle doit réfléchir.
Moi à la mignonne petite fille : Pourquoi est-ce que t'es dehors?
La mignonne petite fille blonde : Parce que je voulais un câlin et donner des becs à ma mère. (Là, j'ai le cœur qui craque... Quoi?)
La mère : Ouais, mais quand je suis allée t'en donner un câlin pis des becs, qu'est-ce qui s'est passé? qu'est-ce que tu faisais? Tu pleurais et tu criais. Andréanne sait ce qu'elle doit faire pour rentrer dans la maison. Hein? Est-ce que t'es prête à aller te coucher maintenant?

La mignonne petite fille blonde hausse les épaules en prenant une grande respiration. Visiblement, elle n'a pas envie d'aller se coucher mais comprend que «Oui» est la seule bonne réponse possible.


Vous savez, pour moi, ce qui est étrange à ce moment précis, c'est que je revenais d'un cours où l'on avait abordé l'évaluation conditionnelle et la considération positive inconditionnelle d'autrui et de soi, des concepts élaborés par Carl Rogers, un psychologue humaniste. (Euh? Quoi? De kecé?)


En gros, l’être humain a besoin d’être compris, positivement et inconditionnellement, par les autres (et lui-même) dans ce qu’il vit et tel qu’il le vit présentement.

Prenons l’exemple d’une mignonne petite fille blonde. Selon Carl Rogers, si la mignonne petite fille blonde reçoit de la considération positive inconditionnelle de la part de sa mère, elle développera une image réelle d’elle-même, un cadre de référence interne ainsi qu'un accord entre son moi et son expérience.

(Ça veut dire quelque chose ça?)

Le cadre de référence interne réfère à ce que la personne sait, intérieurement, être le mieux pour elle-même. Vous savez… votre intuition, votre fort intérieur… Ainsi, l'individu doit agir et penser selon ce qu’il sait être le mieux pour lui-même plutôt que par rapport à ce que les autres pensent, savent, suggèrent, conseillent, imposent, etc.

Être en accord avec son moi et son expérience… Bon, je ne vais pas élaborer sur ce qu’est le MOI en tant que concept en psychologie… Alors disons simplement que c’est avoir le droit de se faire confiance. C’est être cohérent avec soi-même. C’est exprimer ce que l’on ressent. C’est lorsque l’expérience vécue, en ce moment, et l’état actuel dans lequel se retrouve la personne sont congruents. Par exemple, la mère de la mignonne, mais turbulente petite fille a eu une grosse journée et ça fait plusieurs nuits qu’elle dort mal (Expérience d’épuisement). Donc, elle est fatiguée (MOI épuisé). Elle a le droit et raison d’être fatiguée en ce moment précis et de vouloir la tranquillité (Considération positive inconditionnelle d’autrui et de soi).


En général, les parents ont une tendance naturelle vers la considération positive inconditionnelle envers leurs enfants, mais c’est impossible à 100%. Parfois, les enfants reçoivent une évaluation conditionnelle de ces derniers :«Si tu arrêtes de pleurer et de crier, je vais t’aimer. Je t’aime à la condition que tu sois sage, que tu obéisses.»

Ainsi, la mignonne petite fille blonde développe une image idéale d’elle-même. Elle apprend qu’il y a des choses qu’elle a le droit d’être (sage et obéissante) et des choses qu’elle n’a pas le droit d’être (triste et en colère) pour maintenir son image idéale d’elle-même. De cette façon, la mignonne petite fille blonde développe un cadre de référence externe. C’est-à-dire qu’elle agira et pensera en fonction de ce que l’on attend d’elle, du devoir de faire plaisir aux autres. Elle dira «Je dois» et «Il faut que» plutôt que «Je veux» et «Je vais».

Puis, dans la quête de son image idéale absolue, elle se créera de multiples façades pour se conformer aux normes. Elle se définira en apposant de nombreux étiquettes sur son identité : Je suis une femme. Je suis indépendante. Je suis intelligente. Je suis généreuse. Je suis sexuée. Je suis enseignante, ou médecin, ou secrétaire, ou scientifique, ou avocate, ou… je crois que vous comprenez le principe.

Le problème, avec tout ces étiquettes, est qu’ils limitent notre identité. Alors que nous sommes tout ça et plus encore. Alors on dit à l’autre : «Tu ne me connais pas vraiment». On pense : «Tu ne sais pas qui je suis réellement».

C’est comme ça. Tu penses que je suis une petite-bourgeoise-sainte-nitouche-élevée-dans-une-bulle-de-verre, mais si tu savais… si tu me connaissais vraiment…

3 commentaires:

Vincent a dit...

Très intéressant! ...

MelBee a dit...

C'est... atroce! J'en reviens pas que la mère de la petite fille la mette dehors.. ET SI elle se faisait enelvé? OU SI elle fuguait? OU BIEN un accident.

Il faut idéalement pas jugé.. mais là sérieux...

Sinon, merci pour le petit cours ;)

Anonyme a dit...

Sympa l'article, ça fait réfléchir (et c'est bien rédiger !)